L’on raconte qu’il ne fait pas bon se perdre la nuit dans les bois. On peut y faire de mauvaises rencontres et des bêtes sauvages aux dents pointues rôdent. Nos grand-mères nous ont appris que nous risquons d’y finir rôtis ou croqués par les ogres, les sorcières et les grands loups. Denis Leenhardt aime pourtant s’y promener quand le soir tombe. Il sait bien qu’il n’a rien à craindre, car il en connaît tous les habitants.

Avec l’assurance tranquille d’un vieux cow-boy rigolard qui partage sa ration de haricot, il vous racontera ses innombrables rencontres avec eux.

Il connaît le langage des chats et leur étrange attirance pour les cafetières. Il sait approcher sans les effrayer les dindons ocelés, au plumage d’oiseaux de paradis. Les poissons l’invitent sous les grandes racines plongeantes, arbre à palabres muettes. Lézards, lapins et papillons vagabondent à ses cotés dans ses voyages.

Parfois son chemin croise celui d’une petite nymphe des bois. Toutes nues sur des bicyclettes, cachées dans les branches ou jouant à la balançoire, elles semblent vives et insouciantes. Effrayées ou amusées par un rien, elles s’éparpillent à la moindre alerte. Dans l’intimité, elles se figent. Alors, leur allure joliment écervelée laisse place à une inquiétante beauté, solennelle et mystérieuse.

Les sorcières, les sirènes, les démons cornus ont trouvés là un refuge oublié hors du temps. Mais il n’est pas question de maléfices et de souffrances. Le grand diable ne demande aucun sacrifice. Juste de la musique et du vin blanc pour danser le twist à la lumière des lampions.

Denis Leenhardt connaît tout ça et bien d’autres choses encore. Son secret ne réside pas dans la patience mais dans la légèreté.

Jean-Marc Bouzigues